jeudi 11 décembre 2008

A point...

Me voilà de retour de chez Annie... Le TGV, le train de banlieue, le taxi, un peu de marche à pied. Seine et Marne, Allée des bois, au milieu d'une nature hivernale à peine dérangée par le passage de quelques renards voire de sangliers. Annie m'attend : le portail est grand ouvert, les Bergers rentrés, la cote de bœuf décongelée...
Son sourire se renforce lorsqu'elle me conduit vers la table du salon. Là, gisent des papiers de son père, Marc. Papiers moins nombreux après chaque voyage, mais toujours plus précieux.
Autant elle a montré une - légitime - réticence à m'accueillir pour la première fois, autant elle paraît désolée aujourd'hui lorsque nous nous quittons. Non seulement car nous discutons généreusement de presque tout, mais aussi parce qu'elle semble déçue de ne pas me voir repartir avec suffisamment de nouveaux documents, trouvés dans une malle ou au fond d'un tiroir fermé depuis des années...
Je souhaite à tous les "biographes" de trouver une "fille de" ou un "ayant-droit de" aussi généreux. Si bien que ce n'est pas sans culpabilité que je repasse la grille du portail... Une position d'autant plus délicate qu'elle comporte nombre de documents intimes. Parmi eux, des photographies d'Else, la bien-aimée, avec son fils (issu de son premier mariage en Autriche), en costume de tyrolienne... Quelle femme magnifique !
Et puis, deux dizaines de pages qu'Annie a rédigé au lendemain de sa mort, et qui s'ouvre ainsi : "Else est morte hier soir". Nous sommes le 30 décembre 1969. Il y a bientôt quarante ans... J'ignorais l'existence d'un tel manuscrit, que son père a relu et encouragé.
Deux carnets, dont un des années 40, où figurent le contact des amis de Marc : Arland, Gide, Paulhan, Calet... L'envie de les appeler. Mais à Invalides 18-03, André ne répond pas, pas plus que Jean à Port-Royal 28-15...
"Presque rien", me dit-elle, en m'assurant bien haut vouloir "tout brûler". Ce n'est là que le signe de sa finesse face à ma gêne de la dépouiller de tant de secrets.
La cote de bœuf, que nous souhaitions manger saignante, était à point. Comme toujours avec Annie.

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